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HEAVY TRASH
Heavy Trash
le 16/01/2006
Jon Spencer et Matt Verta-Ray sont de grosses ordures. C’est eux qui le disent. Pourtant, au contraire de Garbage (que le Blues Explosion avait égratigné il y a quelques années dans ACME+), ici rien n’est à jeter : treize titres secs et inspirés ; treize titres sex pour transpirer.
Verta-Ray (leader de Speedball Baby et producteur d’Andre Williams) décoche de sa Gibson vintage des riffs rockabilly enrobés d’une reverb et d’une fuzz sales à souhait. Spencer, plus sexy qu’Elvis, plus mystérieux que Lux Interior, prend sa voix de crooner pour prononcer des déclarations d’amour ou bien des insanités, avec une classe et un humour inégalables.
Heavy Trash pourrait être un simple groupe revival (comme l’époque sait si bien en faire) : certes excellent mais anecdotique. Or ils incarnent quasiment à eux seuls (avec Powersolo, the Sadies, the Legendary Shack Shakers, Tiger Man) le « now sound of rock-a-billy ».
S’ils adorent Chuck Berry, Johnny Cash, Gene Vincent, le King, le blues, la country, le label Sun, les costards bien taillés, la gomina et les amplis Vox, ils ne versent pas dans le cliché. Paradoxalement, leur érudition leur permet de transcender les codes du genre. Ces deux « misters Know It All » se réapproprient ainsi le rockabilly avec spontanéité, humour et surtout subtilité. À propos des textes, on pourrait dire qu’il s’agit de finesse graveleuse très inspirée.
Sur « the Loveless » Spencer s’en prend à ses détracteurs et à lui même, avec des rimes aussi drôles que grossières: « they call me the loveless, well I’m a mean son of a bitch/ They call me the heartless, I don’t really give a shit ». Sur Gatorade, avec une voix hoquetée, il aborde le thème du cunilingus: « don’t you use that thing to pee/ she said why don’t you suck it and see/ my baby’s gatorade is sweet wet ». Sur Under the Waves, il se montre effrayant et poétique “I’ve never meant to do her harm, but I caught her in another guy’s arms”. Si le rock n roll avait dès son origine choqué l’Amérique puritaine, puis perdu de sa subversivité, soyez-sûrs qu’Heavy Trash est là pour reprendre le flambeau. Chez eux, tout est chaud et sale, du nom au son, en passant par les paroles et les prestations live. Mais ne vous méprenez pas, leur attitude est une savante alchimie entre respect, classe et humour.
Soutenus sur scène par un backing band de luxe variant selon les dates, ils défendent à merveille leur album éponyme sorti cette année sur Yep records. Préparez-vous à noyer dans l’alcool vos histoires de cœurs brisés, à vous déhancher frénétiquement sur des rythmes endiablés ou encore à chanter des couplets aux rimes entêtantes comme sur le single Justine Alright (« I’ve never been fixed since I got broken/ down to New Jersey, talk about Hoboken »).
Jon Spencer est de retour en très grande forme et Heavy Trash est l’occasion de (re)découvrir Matt Verta-Ray.
OLIVIER RIGOUT
http://www.heavytrash.net http://www.autobahn66.com
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